En mai 2013, les fans les plus fidèles de The National se réunissent au MoMA, à New York, pour un spectacle hors de l’ordinaire. Les cinq membres du band (Matt Berninger, les jumeaux Aaron et Bryce Dessner et les frères Scott et Bryan Devendorf) jouent et rejouent la pièce « Sorrow » sans interruption pendant plus de six heures. Loin d’ennuyer, la performance hypnotique, presque spirituelle, souligne les plus belles qualités musicales du quintette. Les sons veloutés, le sens de la retenue du meneur (Berninger) et les paroles tragiques n’ont pas toujours fait partie de l’ADN du groupe (fondé en 1999 à Cincinnati), mais déjà on en trouve des traces sur son premier album éponyme, paru en 2001. Entre Sad Songs for Dirty Lovers (2003) et Alligator (2005), The National se raffine. L’équation est complétée quand Boxer voit le jour en 2007. À son indie rock teinté d’émotion s’ajoute l’expressivité des cordes, des vents et des cuivres. Loin de tomber dans le mélodrame, le produit fini surprend par sa délicatesse. L’effort impressionne encore plus quand on constate que sous les refrains introspectifs écrits par Berninger et sa femme, Carin Besser, brûlent une ambition et un pouvoir d’attraction qui défient les genres. Des preuves? La présence de The National sur un album de Taylor Swift (evermore) et la vertigineuse liste d’artistes qui ont prêté leur voix au groupe, de Justin Vernon à Sufjan Stevens, en passant par Sharon Van Etten et Annie Clark.