Né en 1991 à Ladera Heights dans la banlieue de Los Angeles, Tyler Gregory Okonma a opéré une transformation artistique impressionnante. Celui qui aurait pu ne récolter qu’un succès de scandale temporaire (et vite oublié) a réussi à demeurer actif sur la vibrante scène hip-hop, parvenant du même coup à approfondir et à enrichir sa musique, et obtenant la reconnaissance de ses pairs en tant que créateur véritablement inspiré. Les titres de ses projets eux-mêmes témoignent de la métamorphose de son art, passant de Goblin (2011) à Flower Boy (2017). Au début de sa carrière, Tyler est associé au horrorcore, un sous-genre du rap qui présente un univers ténébreux rappelant les films d’horreur. Les sons durs et le langage obscène évoquent l’occulte, la maladie mentale et la violence. Le rappeur se fait d’ailleurs reprocher ses paroles homophobes et misogynes, ce dont il dit se ficher complètement, bien que dans la foulée on lui interdise officiellement d’entrer au Royaume-Uni pour quelques années. Pourtant, d’album en album, l’atmosphère s’allège et s’éclaircit. Sur Flower Boy, le chanteur fait des révélations voilées à propos de son homosexualité. Et sur le projet au titre altruiste CALL ME IF YOU GET LOST (2021), la sonorité toujours plus maîtrisée s’ouvre au jazz, au soul et au reggae. L’alter ego qu’il y développe, Tyler Baudelaire, sert à exprimer son désir d’assumer, comme le poète français décadent, l’exploration du mal moral autant que la recherche esthétique.