Lors de sa sortie en 1972, le morceau « Sultans of Swing » du groupe britannique Dire Straits ne ressemble en rien à ce que diffusent les bandes FM. En plus de dévoiler au monde le jeu en fingerpicking enchevêtré du guitariste Mark Knopfler, ce bijou dylanien superpose le blues et la country (le son de Tulsa en particulier) à un shuffle si compact que les fans de new wave ne peuvent que l’adopter. Ce don pour marier les racines musicales américaines à des sons contemporains devient d’ailleurs la marque de fabrique de Dire Straits lorsqu’ils se transforment en groupe de stade dans les années 80. En effet, leur plus grand succès, « Money for Nothing », extrait de la superproduction Brothers in Arms (1985), évoque des cyborgs jouant du blues rock sur des synthétiseurs. Cette image est encore renforcée par son clip vidéo, un produit des toutes premières animations informatiques, imprégné de néons, et considéré aujourd’hui comme l’un des artéfacts les plus emblématiques des débuts de MTV. Le discret Knopfler, plus intéressé par le développement de son art que par la célébrité, commence alors à se retirer des feux de la rampe, consacrant plus de temps à la composition de musiques de films. Le groupe enregistre en 1991 un dernier grand succès : « Calling Elvis », une réactualisation brillamment atmosphérique du rockabilly de Memphis. Dire Straits ne s’est jamais reformé depuis les années 90, mais il a trouvé de nouveaux admirateurs au XXIe siècle, avec des artistes indépendants comme The War on Drugs et Mac DeMarco, qui ont déclaré leur amour pour cette approche moderniste unique entre toutes du rock classique américain.