Chanteur des vertiges de l’amour ou de l’imprudence, Alain Bashung a marié comme personne les sens multiples des mots aux sons riches et évocateurs d’une musique sophistiquée. Avec sa voix de rockeur écorché, il a construit un univers ténébreux et poétique unique en son genre qui a pourtant su toucher un vaste auditoire. Né à Paris en 1947, Alain Claude Baschung a passé son enfance en Alsace. Bercé depuis toujours par la radio allemande, il découvre la chanson française de Brassens à Brel lors de son retour à Paris en 1959. Adolescent, il se prend de passion pour le rock’n’roll de Buddy Holly, Gene Vincent ou encore Elvis Presley. Formé dans des petits groupes de bals, Baschung retire le « c » de son nom de famille pour vivoter en tant qu’arrangeur chez RCA, auteur-compositeur pour Dick Rivers et interprète de premiers 45 tours sans succès. C’est avec le musicien Andy Scott et l’auteur Boris Bergman qu’il s‘épanouit artistiquement pour enregistrer son premier album, Roman Photos (1977), puis Roulette Russe (1979). De sa voix rauque et haletante, Bashung invente un personnage cynique et rock’n’roll dont les textes abondent de jeux de mots et de calembours pour camoufler sa nature torturée. Ce n’est qu’en 1980 que Bashung touche pour la première fois un large public avec le 45 tours « Gaby, Oh Gaby » qui se vend à un million d‘exemplaires. En 1981, « Vertige de l‘amour » et l’album résolument rock Pizza confirment l’intérêt du public, installant le chanteur au sommet des classements devant les plus grands noms anglo-saxons. Bashung prend ensuite un virage new-wave avec une musique plus synthétique et des textes plus sombres. Il alterne entre échecs commerciaux — avec Play Blessures (1982, écrit avec Serge Gainsbourg), Figure imposée (1983) ou encore Novice (1989) — et succès ponctuels (« S.O.S. Amor » en 1984). Sa collaboration avec un nouvel auteur, Jean Fauque, et l’exploration de nouveaux genres musicaux va cependant consacrer Bashung parmi les grands de la chanson française en une trilogie d’albums : Osez Joséphine (1991), aux sonorités blues et qui contient plusieurs classiques de son répertoire, Chatterton (1993), porté par le tube « Ma petite entreprise » et l’ambitieux Fantaisie Militaire (1998), avec les guitares des Valentins et les cordes de Jospeh Racaille, qui reçoit trois Victoires de la Musique en 1999. Quoique d’apparence plus hermétique, nourri d’accents tragiques et d’orchestrations avant-gardistes, son 11e album, L’Imprudence (2002), est l’un des préférés des amateurs de Bashung. Bleu Pétrole (2008), le dernier album sorti de son vivant, séduit également la critique avec des collaborations de Gaétan Roussel (Louise Attaque), Joseph D’Anvers, Arman Méliès ou Gérard Manset. Alain Bashung décède le 14 mars 2009 d’un cancer des poumons, laissant en héritage une écriture poétique et onirique, ainsi que son phrasé singulier.