J Dilla

De bien des façons, J Dilla a été le magicien qui a tiré les ficelles des courants underground du hip-hop et du R&B dans les années 90 et la première moitié de cette décennie. Même si vous ne connaissez pas son nom, vous avez sans doute entendu le duo magique Jaylib de Madlib et Dilla à travers lequel les deux producteurs s'échangeaient le micro et la platine (ou en avez entendu parler), et capté les morceaux imparables qu'étaient « Find a Way », ballade néo jazz sophistiquée, ou encore le favori des facs, « Runnin' », sans oublier la vague chaleureuse de R&B de « Didn't Cha Know ».

Avant même que vous écoutiez ces chansons, prenez le temps d'examiner les noms impliqués, au-delà même de notre producteur-héros méconnu. Ils comprennent des légendes du rap telles que Common, Pete Rock, De La Soul et A Tribe Called Quest. Pas mal, surtout après la dose subtile de puissance mesurée que J Dilla injecte dans le beat de morceaux tels que le tourbillonnant « Drop », le décalquant « Stressed Out », ou encore l'aléatoire « Off Ya Chest ».

Dans un concours de circonstances tragique mais incontournable, la dernière collection de figures de rythmes de J Dilla, Donuts, est sortie le jour de son anniversaire, trois jours avant sa mort. Bien que ces morceaux ne durent jamais plus longtemps qu'un air punk, leurs étincelles de créativité brute demandent l'intervention d'un MC digne de ce nom ainsi qu'une vraie production à la Dilla. Parmi ces titres, on compte l'extrait soul poignant et douloureux, « Don't Cry », les effets sonores de jeu vidéo de « Lightworks », et l'hypnose en boucles croisées de « Dilla Says Go ».

Comparer un producteur de hip-hop au grand jazzman Charlie Parker – comme l'a fait Ahmir « ?uestlove » Thompson des Roots pour J Dilla en 2006 – serait blasphématoire dans la plupart des cas. Contentons-nous de dire qu'il y avait une raison pour laquelle toute la communauté hip-hop a pleuré sa disparition, quand J Dilla est mort d'insuffisance rénale en février dernier. Respecté aussi bien dans la communauté rap underground qu'il a aidé à cultiver qu'auprès de producteurs grand public comme les Neptunes, Dilla était un véritable innovateur, qu'il s'exprime en solo ou se cache avec délice dans l'arrière-plan, au milieu de ses collections d'échantillons, beats et breaks.