300 episodes

Courts propos improvisés et quotidiens,

A propos de tout et de rien.

Improvisations (le podcast‪)‬ Aldor

    • Society & Culture

Courts propos improvisés et quotidiens,

A propos de tout et de rien.

    Elle veut avoir l’air

    Elle veut avoir l’air

    Lum, un personnage du manga Urusei Yatsura, photographié dans la collection de Hervé di Rosa, (c) Centre Georges Pompidou































    Dans Juste la fin du monde, de Jean-Luc Lagarce, Antoine passe son temps à dire de sa jeune sœur Suzanne qu’elle “veut avoir l’air “, alors que c’est lui qui, toujours et systématiquement, se donne un air, lui “qu’aimerait avoir l’air mais qui a pas l’air du tout”, comme cet autre frère, cette pauvre hère que chante Jacques Brel dans Ces gens-là.







    C’est étrange comme, souvent, on veut avoir l’air ; et amusant comme, voulant avoir l’air,  on en accuse souvent les autres, si prompts,  si habiles nous sommes à déceler chez autrui le mal qui nous ronge et dont nous espérons probablement alléger le fardeau en le répartissant sur d’autres épaules que les nôtres.







    Avoir l’air. J’ai longtemps passé ma vie à  cela, posant comme ça n’est pas possible, incapable de savoir ce que, au fond, j’étais, doutant même de l’existence, de la consistance d’un tel vrai moi. Je n’en suis pas vraiment sorti. J’ai seulement fini par penser que j’étais peut-être cela, ce flottement continuel, cet éternel Zelig.







    L’autre jour, Aaron, qui a peut-être 22 ans, m’expliquait qu’elle ne se sentait pas adulte parce qu’elle n’avait pas tous les codes, toutes les connaissances, toutes les habitudes. Je ne les ai pas non plus ; et je ne suis probablement adulte que d’avoir accepté cela, qu’il n’y a pas, qu’il n’y aura jamais de lieu où je pourrais me dire : “J’y suis ; je suis arrivé”.







    On croit parfois qu’avec l’âge vient l’indifférence et le désabusement, ce qu’on appelle poliment la sagesse, une sorte de fatigue, de discipline dirait Katia, des émotions. Mais non ! Comme me le disait Marc, l’autre jour, dans l’ascenseur, au bureau : à chaque printemps on se fait avoir par la jeunesse, le renouveau et la beauté des fleurs ; à chaque printemps on se retrempe, comme un acier, dans l’espérance, et on se réattendrit.







    Je m’éloigne, mais pas tant que cela. Ce que je veux dire, c’est que, même s’ils n’ont pas que des qualités, j’aime bien celles et ceux qui veulent avoir l’air, parce qu’ils veulent cela de ne pas être totalement pétrifiés, totalement à l’aise, totalement collés à leur masque, à leur rôle. C’est bien, l’authenticité, mais il faut, pour être authentique, être d’abord ancré, sûr de son être, de sa place, de ses désirs ; et je suis de ceux qu’une telle certitude étonne, et à vrai dire effraie un peu aussi. Qu’on puisse vraiment se définir, se figer en quelque chose d’univoque, de définitif, justement, j’ai du mal à le croire et le croire me fait mal.







    J’aime bien Antoine, qui a plein de défauts, de vouloir toujours avoir l’air, parce qu’il n’est sûr de rien, et même pas de cela.

    • 3 min
    Pour le principe !

    Pour le principe !

    L’autre soir, au Monoprix de la rue de Rennes, des cris fusent. Un homme a découvert une différence entre le prix d’un paquet de yaourts affiché sur les rayonnages et celui qui lui est facturé à la lecture du code-barres. Il proteste de façon véhémente, hurle que c’est un scandale, et ajoute que ce n’est pas pour la différence, minime, mais “pour le principe”. Puis il part vérifier,  constate qu’il s’était trompé et n’avait pas regardé la bonne étiquette. Il n’en continue pas moins à vitupérer, expliquant que même s’il n’y a pas eu d’erreur, il aurait pu y en avoir une, et qu’encore une fois, ce ne sont pas les quelques centimes (imaginés) de différence qui le scandalisent mais le principe.







    Stupéfait, comme un peu tout le monde, par ses cris qui s’entendaient de loin, je me faisais la réflexion que la mise en avant de ce “pour le principe” (je dis bien la mise en avant ; pas la pensée) est le plus souvent louche, voire carrément de mauvaise foi, car elle concerne toujours, quoi qu’on prétende, des incidents où nous sommes perdants, où l’irrespect des principes nous est dommageable.







    Car quand ce sont vraiment les principes et eux seuls que nous défendons, quitte à perdre à leur application, nous ne parlons pas, il ne nous viendrait pas à l’esprit de parler de principe ; nous parlons d’honnêteté, de justice, d’équité ou éventuellement de scrupules. La mise en avant des principes, des seuls principes, c’est seulement quand nos intérêts sont en jeu, serait-ce de façon minime.







    Il est au demeurant parfaitement légitime de réclamer la bonne application des règles, y compris lorsque cette bonne application nous est favorable. Mais nous n’osons pas, craignant à la fois de paraître intéressés et grippe-sous, ou inutilement procéduriers.  C’est pourquoi nous invoquons les principes, qui ne sont pourtant pas, en l’occurrence, ce qui nous pousse à agir.







    C’est dans la colère, la colère totalement disproportionnée que manifestait mon bonhomme, et qui me rappelait celles qu’a parfois Katia lorsqu’elle doit affronter sa propre mauvaise foi, que s’exprimait le malaise de ce mensonge, de ce mensonge non assumé. Ces cris nous cassaient les oreilles mais c’est d’abord à lui qu’ils étaient destinés, à lui qu’il en voulait.

    • 2 min
    Le pouvoir et l’autorité

    Le pouvoir et l’autorité

    Un pochoir de la regrettée Miss Tic, je ne sais plus très bien où dans le Ve arrondissement de Paris































    Lors du beau discours qu’il prononça avant-hier à l’occasion de son départ en inactivité, pour utiliser la formule officiellement employée dans la branche où je travaille, Laurent souligna la différence qu’il convenait de faire entre l’autorité et le pouvoir ; l’autorité, qui émane de la personne, et qui s’appuie sur des  connaissances, des compétences, des qualités particulières, à laquelle on se rallie et obéit comme naturellement, parce qu’on sent et sait qu’elle est fondée, qu’elle est légitime ; et le pouvoir, qui est donné à une personne par autrui, qui est question de hiérarchie, de puissance, de normes, de droits, de discipline, de préférence, d’âge et parfois de sexe, le pouvoir dont l’existence est nécessaire mais qui n’est pas sui generis, pour parler ce latin dont il fut également question.







    Il n’est pas toujours nécessaire que le pouvoir s’accompagne d’autorité. Il y a bien des cas dans lesquels des décisions sont nécessaires mais où le sens de la décision importe en fait beaucoup moins que sa factualité : l’important n’est pas de savoir où l’on va,  c’est d’aller quelque part et de sortir de l’indécision. Mais le plus souvent, il est bon que le pouvoir et l’autorité coïncident, que les deux convergent et s’incarnent même dans les mêmes personnes.







    Mon point (et c’est à cela que me faisaient penser les propos de Laurent) ; mon point est celui de la prévalence : l’autorité, comme l’amour j’y pense maintenant, est un sentiment (le mot n’est pas bon mais je ne sais pas trop comment qualifier ce genre de choses) discret, au sens mathématique du terme : il existe, s’exprime et se constate dans l’immédiat et dans la proximité immédiate, dans la présence et dans l’action. Toute tentative de non pas l’exercer directement mais de s’en prévaloir le réduit en fumée comme les consignes initiales de Mission impossible. Se prévaloir de son amour ou de son autorité (je veux dire : s’en prévaloir sans en faire preuve au même instant), c’est le ou la détruire, à jamais.







    Or de même que la mauvaise monnaie chasse la bonne, il arrive que les personnes qui disposaient d’autorité et à qui le pouvoir a en conséquence été confié, soient progressivement gangrenées par ce pouvoir et les responsabilités qui vont avec. C’est la dérive de l’argument d’autorité, par lequel on se prévaut de l’autorité au lieu de l’exercer et qui pour cela, en dépit de son nom, est l’archétype de l’abus de pouvoir.







    C’est pourquoi j’aime bien, en dépit de ses nombreux défauts, cette démocratie athénienne avec ses mandats courts et parfois tirés au sort. Il est judicieux de mettre tout en oeuvre pour éviter que l’autorité ne se dégrade en pouvoir.

    • 3 min
    Des animaux ! Des choses !

    Des animaux ! Des choses !

    Les êtres, humains mais aussi animaux, les êtres humains comme les autres animaux, ne sont interchangeables que pour celles et ceux qui les veulent interchangeables, qui les rendent et les font interchangeables en les réduisant à cette petite part d’eux-mêmes qui est effectivement interchangeable, ou qui peut le devenir, par l’effort et la discipline. Ils sont rendus interchangeables par le regard armé de ceux qui, voulant les utiliser, les exploiter comme des choses, les considèrent d’avance comme des choses.







    C’est le regard intéressé, instrumental, de celles et ceux qui ont choisi de s’en servir, qui rend les êtres interchangeables, qui les réduit pornographiquement à cette partie de corps, à ce geste toujours répété, à cette compétence unique, cette caractéristique particulière mais tellement limitée qu’elle est effectivement, au bout du compte, reproductible. Car c’est absolument vrai : pour qui a décidé de ne voir en nous  que cela, nous sommes toujours et absolument remplaçables, toujours interchangeables, jamais uniques : “un de perdu, dix de retrouvés”, comme me le dit un jour Katia, à qui il arriva d’être plus perspicace, et aussi plus subtile dans la compréhension profonde des mots qu’elle prononçait.







    Mais je m’égare. Ce que je dis, ce que je veux dire, ce que je voulais dire pour parler comme les personnages de Lagarce, c’est que le regard réducteur, ce regard qui, comme celui de la Méduse, réduit les êtres en choses, en pauvres choses interchangeables, n’est pas seulement celui du fordisme, du capitaine d’industrie moderne qui, pour produire à la chaîne et en grande série, a besoin d’une main-d’œuvre elle-même taylorisée, elle-même enchaînée, réduite à l’état de machine et produite en série ; qu’il n’est pas seulement non plus le regard du maître (de la maîtresse) qui, pour asservir et dominer, a besoin d’une masse apeurée, rendue servile par la crainte d’être remplacée, de perdre son emploi, ses revenus, ses moyens de vivre : ce regard réducteur, ce regard pétrifiant est aussi celui de celle (de celui) qui ne peut accomplir sa mauvaise action, qui ne peut traiter les êtres comme il le fait, qu’à condition de ne plus voir en eux que des choses, des choses qu’il devient donc possible de traiter comme telles. Car sinon, il (elle) ne pourrait pas, ne pourrait pas ainsi agir, ne pourrait pas surmonter sa peur, son désespoir, son dégoût de soi-même.







    Il faut, pour surmonter la nausée qu’engendre cette instrumentalisation, cette exploitation, et parfois pire, bien pire,  d’autres êtres humains, d’autres êtres vivants ; il faut rompre le lien, le lien qui avec eux existe et nous porte à les secourir. Il faut rompre le lien et lui substituer l’indifférence née de la différence : nous ne sommes pas pareils, et comme je suis un être humain, un être vivant, vous ne l’êtes sans doute pas ; et c’est pourquoi je puis faire de vous des choses, ces choses que vous êtes déjà.







    Ces choses que vous êtes déjà parce que j’ai abdiqué de mon humanité.

    • 4 min
    Le simple et le sophistiqué

    Le simple et le sophistiqué

    Le phare et la baleine (mais ça n’est pas vraiment le phare de Porquerolles)































    Le phare de Porquerolles, qui ressemble plutôt à une casemate, est assis à l’extrême sud de l’île, sur une falaise dressée au dessus de la mer. Et le jeu, lorsqu’on en revient, est de se laisser aller à la pente, et de retarder autant que possible le moment où l’on pédalera à nouveau.







    Je joue à ce même jeu, si simple et si plaisant, quand, ayant traversé Paris, je m’enfonce sous terre, le matin, pour rejoindre le deuxième sous-sol du parking où, au bureau, je range mon vélo. J’arrête de pédaler et vois jusqu’où cela me conduit.







    Et puis il y a le théâtre Nô, découvert avec Constance et Sabrina, ce spectacle tellement complexe, tellement codifié, tellement sophistiqué ; cette pièce dont je n’ai probablement pratiquement rien saisi parce que l’essentiel ne passait pas par les mots, qui étaient traduits, mais par le reste, que je ne saisissais même pas. Et la gourmandise qu’on éprouve devant cette montagne de règles qu’il faudra assimiler pour pouvoir apprécier.







    Je reste ébahi par la profondeur, la diversité, l’étendue de nos goûts, que nous partageons probablement avec beaucoup d’autres animaux, qui nous font aimer et rechercher à la fois des choses très simples, très sobres, très pures ; et d’autres très sophistiquées, très complexes, pleines d’arabesques, de double-fonds et parfois de perversités. Ici comme en tant d’autres domaines, nous tenons et voulons tenir les deux bouts ; non pas seulement ceci ou cela mais simultanément ceci et cela, simultanément l’un et l’autre, le tout et son contraire ; et toujours si rapidement blasés, si vivement fatigués, aussi grand et puissant qu’ait été notre plaisir, toujours ce désir d’en changer qui survient et fait de nous des êtres sinon tout à fait insatiables (car nous pouvons nous rassasier), du moins toujours tremblants, toujours espérant, toujours en désir, des êtres toujours tournoyant et en attente, comme le faisceau de la lumière des phares qui jamais ne nous laisse paisibles, jamais ne nous laisse comblés à jamais.

    • 3 min
    “Vous vous étiez servi simplement de vos armes”

    “Vous vous étiez servi simplement de vos armes”

    (c) Sarah Meyssonnier/AFP































    L’Affiche rouge, dans la version interprétée par Léo Ferré, a bercé mon enfance, mon adolescence, ma jeunesse et le reste. Je l’ai  chantée des milliers de fois et l’ai (shame on me, eu égard au sujet !) largement utilisée pour, les yeux dans les étoiles et la voix tirant sur les basses, conter fleurette et parfois plus aux jeunes filles qui étaient à mes côtés. Dans le répertoire d’Aragon, que je connais assez bien, elle était en effet beaucoup plus facile à chanter que d’autres, “Il n’aurait fallu“, par exemple, très belle et certainement plus appropriée aux fins qui étaient les miennes, mais qui avait l’inconvénient d’exiger une tessiture que je n’ai pas.







    Tout cela pour dire que L’affiche rouge, je la connais bien.







    Et depuis toujours, mais cela m’est brusquement revenu ces temps derniers  tandis que partout on l’entend (ce qui me cause un grand plaisir) ; depuis toujours m’étonne et me choque le quatrième vers de la première strophe, ce “Vous vous étiez servi simplement de vos armes” dont je comprends bien qu’il est essentiellement là pour faire rime avec le premier vers mais qui, hormis cela (qui est important, ça n’est pas ce que je veux dire) n’a pas grand sens et fait plutôt bizarre, si ce n’est même franchement tache. Car que signifie, que peut bien signifier, quand on parle d’un groupe de résistants dont l’action consistait à se battre, et justement avec des armes ; que peut bien signifier cet étrange : “se servir simplement de ses armes ?”.







    Voilà, c’était la question du jour, soumise à  la sagacité collective de tous ceux qui, comme moi, ont longuement chanté ce texte. Mais c’était surtout l’occasion de dire mon plaisir et ma fierté de voir Missak et Mélinée Manouchian conduits au Panthéon, que soient à cette occasion honorés ceux qui avaient combattu avec eux ; mon amour de Strophes pour se souvenir puisque tel était le nom originel de ce beau, si beau poème d’Aragon ; et le plaisir que j’eus à entendre la magnifique interprétation qu’en faisaient, sous la pluie qui tombait, Arthur Teboul et le groupe Feu ! Chatterton.

    • 2 min

Top Podcasts In Society & Culture

People You May Know
FAROSE podcast
พี่อ้อยพี่ฉอด พอดแคสต์
CHANGE2561
Open Relationship
THE STANDARD
เพื่อนกันคุยจนดึก
Naphat's bedroom story
ความสุขโดยสังเกต
THE STANDARD
Salmon Podcast
Salmon Podcast